Tout le mois de février sera en grande partie consacré à vivre le temps de la Septuagésime. C’est un temps liturgique méconnu et qui a même disparu dans la nouvelle liturgie. Il fait néanmoins partie de la tradition liturgique de l’Eglise. Tant en Orient qu’en Occident, c’est un temps de préparation pré-quadragésimal. L’appellation remonte au temps de l’institution de ces premiers dimanches, sans doute à partir du mot quadragesima. L’origine de ce Temps comme préparation ascétique et non pénitentielle est difficile à établir. Il serait du à une diversité d’usage relatifs au Carême, en Orient, par exemple, il n’y a pas de jeûnes le dimanche et le samedi. Ce serait donc une compensation des jours non jeûnés. En d’autres endroits, on ne jeûnait pas pendant cette période. C’est donc, dès le début du Vè siècle, un temps de liturgique préparant le Carême, non jeûné dans l’Eglise latine.
Le Temps de la Septuagésime acquiert une dimension pénitentielle plus accrue surtout pour les mercredi et vendredi précédents le 1er dimanche de Carême, ce qui va devenir la Quinquagésime. La Sexagésime apparaît à Rome au début du VIè siècle et la Septuagésime au milieu de ce siècle, avant saint Grégoire le Grand car on possède trois de ses homélies sur ces fêtes. Les temps très difficiles (invasions des lombards ariens) qui ont eu lieu pendant l’institution de ces trois dimanches sont sans doute à l’origine de leurs caractères ascétiques plus que pénitentiels. Les papes Pélage Ier et Jean II, désireux de demander l’aide du Ciel ont fait célébrer ces dimanches dans les basiliques dédiées aux trois saints protecteurs de l’Eglise romaine : saint Laurent, saint Paul et saint Pierre. Aujourd’hui, ce ne sont plus des invasions terrestres mais ce sont nos institutions les plus naturelles, nos libertés, nos âmes qui sont assiégées. Nous avons besoin de Dieu. La liturgie de ces prochains dimanches en violet va nous y conduire…
Septuagésime : L’idée essentielle est la nécessité de la grâce. Le Temps de la Septuagésime présente les conditions de l’humanité si la grâce ne venait pas la relever. L’introït « Circumdederunt me gemitus mortis… », au sens historique, relate l’angoisse présente dans les temps troublés par les calamités publiques et expose au sens spirituel, l’état de l’humanité privée des secours et du salut par la déchéance du péché originel. La collecte renforce cette idée : « …ut qui juste pro peccatis nostris affligimur… ». Ensuite, il y a l’épître du combat spirituel avec l’image de la course dans le stade. L’évangile des ouvriers de la 11è heure marque la réalité de la souveraine indépendance de la grâce et donc du bon plaisir divin.
Sexagésime : Les mêmes sentiments sont répercutés par l’apôtre saint Paul. Le thème du combat est toujours présent : avec l’introït percutante : « Exsurge, quare obdormis, Domine ?…», l’épître très longue sur les combats personnels et la persévérance de l’apôtre saint Paul. La faiblesse humaine est relevée par la grâce. Dans le graduel et le trait, nous implorons le Seigneur de disperser, hier, les lombards, mais aujourd’hui tous les ennemis spirituels. L’évangile, par la parabole du semeur et de la bonne terre parle de correspondre à cette grâce.
Quinquagésime : Ce sont les mêmes thèmes. L’épître de saint Paul traite de la prééminence de la charité sur les œuvres, de l’idée de la protection divine. L’évangile est une annonce de la passion : « Ecce ascendimus ad Jerosolymam, et consummabuntur omnia… » et la guérison de l’aveugle de Jéricho est une image de l’état de cécité de l’humanité. « Jesu, filii David, miserere mei » : cette invocation est très chère à la spiritualité byzantine, la fameuse prière perpétuelle. Profitons bien de la Septuagésime pour accueillir l’oeuvre de la grâce en nos âmes.
Abbé Le Roux FSSP